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Histoire de l’horlogerie française

Horlogerie française : avoir le talent de l’audace

Pays des arts et de la culture, de la cuisine et de la mode, la France est aussi riche d’une tradition horlogère depuis le XIIIème siècle. Ce passé fait d’inventions et de grandes réussites industrielles, sert aujourd’hui encore de fil directeur aux maisons tricolores pour produire des pièces dont la liberté stylistique et l’esprit créatif attisent l’intérêt d’amateurs en quête de garde-temps élégants et originaux. 

Bien vivante, la tradition horlogère remonte chez nous à plus de sept cent ans et le pays compte toujours près d’une centaine de marques de montres dynamiques, actives et créatives. Parfois méconnues des passionnés ou éclipsées par la concurrence, ces entités proposent des instruments innovants dont les spécificités sont d’être bien souvent à la fois abordables et à l’avant-garde de la mode. 

Une histoire riche d’inventions

Cette horlogerie plurielle et authentique qui laisse s’exprimer la singularité de chacun a pour richesse première de puissantes racines historiques. La France fut, au XVème siècle, l’une des premières nations à se pencher sur la fabrication des instruments de mesure du temps mécaniques et fit merveille, à la Renaissance sur les bords de Loire, avec les garde-temps émaillés de Blois. La montre française brilla au Siècle des Lumières grâce au talent d’horlogers trop souvent oubliés. Parmi ces maîtres français à avoir écrit l’histoire, on peut citer parmi tant d’autres : François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694 – 1778), Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (1732 – 1799), Jean-Antoine Lépine (1720 – 1814). Mais aussi les horlogers Abraham-Louis Breguet (1747 – 1823) et Ferdinand Berthoud (1727 – 1807) qui, nés prussiens dans le canton de Neuchâtel et ayant fait toute leur carrière à Paris, ont pris fait et cause pour leur pays d’adoption. Dans le même esprit, Frédéric Japy (1749 – 1812), entrepreneur de Franche-Comté, mit en place la première manufacture horlogère au sens moderne du terme à la fin du XVIIIème siècle. Puissante et créative, l’horlogerie française, forte de ses inventeurs géniaux et de ses ouvriers engagés et passionnés, a dominé le marché horloger avec des industriels comme Basile-Charles Leroy, Emmanuel Lipmann, Edmond Jaeger, mais également Emile Thomas, le fondateur d’Auricoste ou Alphonse Dodane le créateur de la marque éponyme. Forte de ses talents, elle a imprimé sa dynamique au marché mondial jusqu’à pâtir de l’arrivée des montres à quartz et de la première crise pétrolière dans le courant des années 1970. 

Un temps hexagonal 

Pourtant, la passion pour la belle mécanique est ancrée au fond des cœurs. Elle s’est cristallisée avec l’histoire d’une maison comme LIP qui, fondée en 1867 et liquidée pour sa démarche visant à l’autogestion à la fin des années 1970, revient aujourd’hui en force grâce à la détermination de la société SMB et de son bisontin de propriétaire d’écrire son présent au futur. Toujours présentes, les marques Auricoste et Dodane, intimistes et légitimes dans le secteur militaire, entretiennent leur légende avec succès auprès des amateurs de ce type de montres. La maison familiale Michel Herbelin fondée en 1947 récemment recentrée par la quatrième génération autour de ses forces horlogères, performe en sachant trouver le juste équilibre entre esprit créatif français et expertise mécanique suisse. La marque Yema entretient, depuis son récent redémarrage, un lien fort avec les puristes en lançant des modèles de référence datant des « Trente Glorieuses ». Attachée à faire valoir son originalité, elle se penche, comme d’autres avant elle, sur les potentialités que représente le principe du « made in France ». A ce titre et grâce à la clairvoyance de Didier Leibundgut, la maison fondée par Emile Péquignet en 1973, a été la première des entreprises nationales à s’interroger, avant 2010, sur la pertinence d’utiliser des mouvements mécaniques ayant une origine française. Depuis, la marque propose en plus du calibre Royal, le mouvement automatique Initial, un « moteur générique » « made in arc jurassien » que la manufacture de Morteau vend à ses partenaires afin de pouvoir justifier en toute transparence du « made in France ». 

Un pays riche de talents

Seulement, la force des maisons françaises ne réside pas tant dans la faculté qu’elles ont d’être totalement locales ou non. Leur vrai talent est d’avoir ce petit truc qui est typiquement bien de chez nous et que la concurrence appelle la « french Touch ». Cette marque de fabrique si particulière et franchement inimitable s’exprime chez Utinam à travers des pendules originales. Elle permet aussi grâce à la puissance de l’habillage de faire oublier que parfois le mécanisme n’est pas de chez nous. Les maisons comme Bell & Ross, BRM, Awake, Reservoir ou plus récemment Trilobe, portées par leurs designs, sont parvenues, à la matérialiser à travers leurs créations. Mais elles ne sont pas les seules. Bien d’autres font merveilles pour véhiculer cette idée dans un secteur que l’on oublie trop souvent et qui est celui du volume et des petit prix. On pense à Opex, à Pierre Lannier, à Saint Honoré, à certaines marques du groupe SMB, à Younger & Bresson ou plus récemment encore à William L 1985, pour ne citer qu’eux d’une liste finalement assez longue. La France horlogère bouge si l’on en croit les efforts qu’elle fait pour faire parler d’elle. L’exposition les 24 heures du Temps, rendez-vous annuel organisé fin juin à Besançon depuis quelques années, est l’un des canaux d’expression de cette vitalité. Évidemment, toutes les marques de l’Hexagone ne sont pas présentes, mais ce mouvement tend à prouver que le métier, de ce côté de la frontière, possède un vrai dynamisme. Fière de son savoir-faire et de son originalité, la montre française bénéficie comme nos voisins avec qui nous vivons une interdépendance de circonstance, de nos incontestables talents et de la capacité de nos écoles spécialisées comme celles de Paris, Morteau, Rennes et d’autres encore, de former des artisans de qualité. Cette originalité qui fait de la France un pays d’avenir pour le métier s’exprime aussi par la volonté d’entrepreneurs comme Gautier Massonneau, le fondateur de Trilobe, de Colin de Tonnac de Semper & Adhuc ou de Cyril Brivet-Naudot d’entamer une carrière de créateurs indépendants prêts à tout pour fabriquer des pièces faites avec art.  A leur façon, ces nouveaux acteurs du marché  s’inscrivent dans une corporation de gens de métiers très attachés à la tradition avec, comme fil directeur, de suivre les traces laissées par des artisans célèbres et français comme Christophe Claret, Vianney Halter ou François-Paul Journe. 

Combinant indépendance créative et tradition d’excellence, les montres françaises perpétuent une culture horlogère inventive et vivante qui ne se mesure pas à son seul prestige, mais avant tout à son énergie positive et à sa diversité. Fort du talent de ses artisans et du maillage d’entreprises de pointe souvent complémentaires, le métier se sent aujourd’hui libre de conquérir de nouveaux secteurs et imagine quantité de produits horlogers authentiques, élégants et singuliers, empreints d’une part de France créative et audacieuse.

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