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Les montres, tout un art ?

Il est pluriel, libre, parfois abstrait. Elle est minutieuse, multiple et inventive. Si l’Art et l’Horlogerie nourrissent chacun leurs spécicités, ils additionnent aussi les petites similitudes et les grands points communs.

Dans leur volonté de se saisir du Temps déjà, et d’en faire une innie matière à création. Et puis dans la création elle-même, aussi. Une recherche de formes, de couleurs, d’esthétique… en bref, une vocation à fabriquer du beau, faisant le pont entre Art et Horlogerie sur bien des aspects.

Alors quels liens unissent vraiment un tableau et un mécanisme horloger ? Une partition de musique et un cadran de montre ? Petit aperçu de ce qui mêle et entremêle ces deux disciplines.

Quand l’Art s’empare du Temps…

On peut difficilement le nier : pour l’Horlogerie, le Temps est tout. Sa mission première ? Matérialiser le Temps pour mieux l’inscrire dans le réel. Mais alors… que reste t-il à l’Art ? Eh bien pour bon nombre d’artistes, il reste l’envie et la possibilité de le représenter et se l’approprier… à leur manière.

Comme Susanna Hertruch qui, en 2017, illustre une certaine idée de la routine et du temps qui passe avec son installation Chrono Shredder, une éphéméride qui s’autodétruit dans un broyeur à papier. Une représentation du temps pour le moins radicale, n’est-ce pas ?

Il y a aussi eu Gianni Motti en 1999, avec son horloge digitale à vingt chiffres, représentant un compte-à-rebours des cinq milliards d’années qui nous séparent, selon lui, de l’explosion du système solaire. Un propos qui, s’il ne déborde pas d’optimisme, commence néanmoins tout doucement à nous faire entrevoir un rapprochement entre la sphère artistique et le travail horloger.

Enfin, comment ne pas évoquer La Persistance de la Mémoire (1931) de Salvador Dalí, populairement surnommé Les Montres Molles. Une oeuvre pour laquelle le génie catalan s’est inspiré de l’univers horloger pour exprimer une certaine vacuité du Temps. Qu’à cela ne tienne : en 1967, Cartier conçoit la montre Crash, un hommage au tableau de Dalí avec son cadran coulant, qui sera vendu à plus d’1,5 millions de dollars.

Ainsi l’Art s’inspire t-il de l’Horlogerie pour questionner le Temps, et l’Horlogerie s’inspire t-elle de l’Art pour le figer : il semblerait que la boucle soit bouclée.

… et que l’Horlogerie s’empare de l’Art.

Cette inspiration de l’un pour l’autre justement, parlons-en. Beaucoup de maisons horlogères françaises ont fait des Arts une matière fertile pour imaginer des pièces horlogères uniques et singulières.

Un exemple avec la marque LAPS, qui s’est récemment inspirée des oeuvres de l’artiste Hilma af Klint, The Swan (No. 17) et The Teaching of Buddhism (No. 3d). Entre couleurs primaires et formes géométriques, LAPS rend hommage à l’artiste suédoise avec deux montres disponibles en série limitée.

Autre style, même volonté : pour la marque Marie & Louis, c’est le tableau Marie-Antoinette à la rose peint par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1783 qui fait office de source d’inspiration. Résultat : une montre élégante, dont le cadran affiche le portrait de la dernière Reine de France. L’Art, à portée de poignet.

Chez certains, c’est l’art des mots qui vient stimuler leurs intentions créatives. Fugue, jeune marque d’horlogerie française, a ainsi dédié l’une de ses pièces à tout un genre littéraire : le roman noir. Avec la montre Fiction One, les couleurs rouge et noir symbolisent le sang et la pénombre, tandis que les aiguilles en lévitation sont un clin d’oeil aux grands mystères des meilleurs polars. La touche finale ? Un coffret conçu à la manière d’un pavé de bestseller. Immersion totale.

Art et Horlogerie : l’art et la manière de se réunir.

Et puis parfois, Art et Horlogerie se croisent et se retrouvent pour, ensemble, mieux se compléter.

C’est le cas notamment de Yema, qui, en 2022, a collaboré avec le compositeur de musique électronique Kavinsky, pour créer une montre rétrofuturiste fidèle à l’univers de l’artiste.

Mais peut-être que la collaboration la plus iconique reste celle, en 1981, qui a réunit Gerry Grinberg et Andy Warhol. Lui-même collectionneur de montres, l’artiste américain a ainsi imaginé une pièce inspirée des planches contact de photographie argentique : 5 cadrans accrochés les uns aux autres et dotés de leur propre mécanisme, affichant chacun en fond une photo en noir et blanc de New York. Si la Times/5 ne verra le jour qu’en 1988 peu après la disparition de son créateur, on peut cependant noter que Warhol, visionnaire de toujours, a peut-être créé la première montre à 5 fuseaux horaires !

Alors, voilà où nous en sommes : l’Art s’inspire du Temps, l’Horlogerie s’inspire des Arts et artistes et horlogers s’unissent pour trouver l’inspiration. Une démonstration évidente qu’au-delà de sa simple vocation à être consommé, l’Art peut aussi être un support infini de réflexion sur le Temps, et que plus que des outils à lire l’heure, les montres revendiquent, à leur façon, un style et un état d’esprit.

Porte-t-on une montre comme on accroche un tableau chez soi pour embellir et affirmer qui l’on est ? Collectionne-t-on les oeuvres d’art comme on collectionne les montres, par passion pour le procédé créatif qui les précède ? La réponse, il appartient à chacun d’entre nous de la trouver. Mais, en attendant, si vous souhaitez savoir quelle montre vous définira le mieux, vous pouvez toujours faire le test juste ici :

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